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dimanche 14 août 2016

Le Monde de Graha, Yse chap.8

Le Monde de Graha


Volume 1

« L'imagination est un chemin bien compliqué, mais celui du réel n'en n'est pas plus facile car il habite votre esprit et votre cœur, et vous fait parfois croire en des choses qui n'existent qu'en rêves. »
Extrait de discours
Exeva Nivius, Grand Sage


Chapitre 8 : Balade en forêt

Il n'était pas encore midi que le soleil pointait déjà bien haut dans le ciel. La chaleur était forte et Yse se surprit plusieurs fois à remarquer à quel point cette journée était bien différente de la précédente, autant dans la température que dans les événements. La jeune fille avait à peine dormi tant ce qu'elle avait vécu et appris était incroyable. Elle petite lycéenne de campagne, elle grande rêveuse et dévoreuse de récits fantastiques se retrouvaient dans un soi-disant « monde parallèle » où se côtoyaient paysages médiévaux et créatures fantastiques. Au plus profond d'elle-même Yse exaltait de joie et tremblait de peur. Elle et Barrold avaient beau être debout depuis l'aube la jeune aventurière était si excitée et émerveillée par ce qui l'entourait qu'elle ne ressentait aucune fatigue. En revanche ses pieds lui intimaient de faire des pauses régulières. A chaque pause Yse avait l'impression de revenir au point d'arrêt précédent et finissait par avoir l'impression de tourner en rond. Le libraire n'avait pas menti en lui disant que cette forêt était immense et qu'on pouvait facilement s'y perdre. La jeune fille se demandait d'ailleurs comment il faisait pour se repérer sans carte, mais elle se garda bien de lui poser la question. En effet depuis qu'ils avaient entamé leur traversée de la forêt le jeune homme était d'une humeur de chien et n'avait pas ouvert la bouche de tout le trajet. Yse fit quelques tentatives de conversations, mais toutes se finirent par un bel échec. Alors la jeune fille se résigna vexée et s'enferma à son tour dans un bruyant mutisme. Pour distraire son esprit de la douleur de ses pieds meurtris (dû en partie à son manque d'activité sportive), la lycéenne se mit à regarder les alentours et à examiner chaque recoins de cette interminable forêt.

Ce qui l'avait frappé en premier c'était le silence qui y régnait. Pas un chant d'oiseau, pas un bruissement de feuille, juste le silence légèrement perturbé par leur bruit de pas. Mais le silence n'était pas le phénomène le plus curieux de cette forêt. En regardant les alentours Yse s'était aperçue de la diversité des arbres qui composaient le paysage. Immenses et nombreux, la végétation recouvrait presque entièrement le sol et la lumière filtrait au travers des feuilles vertes et jaunes. C'était un spectacle magnifique à contempler, mais Yse préférait s'intéresser aux arbres eux-mêmes. Chacun semblaient appartenir à une espèce différente, mêlant ainsi des sortes de chênes et peupliers à des espèces de palmiers et de baobabs. Cette diversité rendait l'endroit enchanteur, cependant la jeune fille ne se rappelait pas avoir vu de semblable chez elle. Barrold et elle continuèrent de marcher pendant plusieurs minutes, chacun s'occupant ainsi à leur manière.

Ils s'arrêtèrent quelques minutes plus tard pour déjeuner. Un quignon de pain noir et d'étranges petites billes de fruits de la même couleur. C'était un maigre repas et Yse plutôt bonne mangeuse sentait que le reste de la journée allait être bien long avec si peu dans l'estomac.

- Tu devras t'y faire ; dit soudain le libraire, comme s'il avait deviné les pensées de la lycéenne ; c'est trop dangereux d'amener beaucoup de nourriture et de toute façon je n'avais pas assez d'argent pour nous acheter un festin.

- Oh ne t'inquiètes pas, mon estomac est solide et de toute façon avec tout ce que je viens de vivre je n'ai pas beaucoup d'appétit ; mentit Yse.

L'échange fut bref et chacun mangea sa part en silence. Ils se remirent en route peu de temps après, Yse remarquait que le bois était non seulement calme mais également étrangement inhabité.

- Barrold ; finit-elle par dire.

- Hm ?

- Comment ça se fait que la forêt soit si calme ?

- Tu préférerais qu'elle soit bruyante ?

- Non c'est pas ça… c'est juste que ça me fait bizarre de rien entendre ni voir. Quand on se trouve en pleine forêt on s'attend à croiser des animaux, des gens même ! Tu disais qu'il pouvait y avoir des brigands.

- J'ai pas dit qu'il y en avait derrière chaque arbre, répondit Barrold visiblement agacé, c'est juste un risque qu'il ne faut pas négliger de prendre en compte. Pour ce qui est des animaux… (il s'arrêta et poussa un long soupir), ça fait bien longtemps qu'il n'y en a plus vraiment.

- Comment ça ?

- Eh bien, (il se remit en marche) pour faire court disons que le premier empereur avait jugé bon de chasser toutes les créatures susceptibles de nous nuire du territoire, donc depuis nous n'avons plus que quelques rares espèces qui se terrent la journée et vadrouillent à la recherche de nourriture la nuit.

- Alors cette forêt est inhabitée ?; s'étonna la jeune fille.

- Bien sûr que non ; lança le jeune homme ; le peuple des Leïlors vit ici, mais bien heureux est celui qui peut se vanter d'en avoir vu un.

- Le peuple des Leïlors ? Qui sont-ils ?

- Hm chez toi ont les appelleraient des elfes. Apparemment d'après les quelques rares descriptions que l'on a d'eux se seraient des êtres assez petits, avec des très longues oreilles pointues recourbées vers le bas… leur peau serait un mélange de bleu et de violet un peu translucide et leurs yeux seraient grands, les pupilles soit vertes soit jaunes.

- Wow ; siffla Yse ; j'espère qu'on aura l'occasion d'en voir au moins un. Tu sais si ils comprennent le langue humain ?

- C'est une bonne question ; concéda le libraire ; je n'en sais rien. Les rares personnes qui en ont vu ne leur ont jamais parlé, ils sont si difficile à apercevoir que beaucoup pensent aujourd'hui qu'ils ne sont qu'une légende.

- Dommage ; soupira la jeune fille.

Cette nouvelle enchantait la lycéenne, elle qui avait toujours rêvé de voir de drôles de bestioles imaginaires la voilà qui se trouvait au bon endroit. Cependant les deux jeunes gens avaient beau marcher depuis quelques heures déjà rien n'était venu perturber leur petite balade, même pas un bruit de feuille. Yse regardait sans arrêt autour d'elle espérant entrevoir le bout d'une oreille bleutée, mais rien. Alors que l'après midi entamait sa cinquième heure, les deux aventuriers arrivèrent près d'un cour d'eau. Yse avait chaud et en voyant toute cette eau n'eut plus qu'une envie : se baigner.

- Barrold ?; appela la jeune fille d'une voix suave.

- Quoi ?; demanda le concerné d'un ton beaucoup moins sucré.

- Tournez-vous.
- Pour quoi faire ? Ne me dis pas que tu veux te baigner ! Nous n'avons pas le temps pour ça.

- Soit on s'arrête et vous vous tournez, soit je vous récite tous mes cours depuis le début de l'année.

Le jeune homme déglutit, elle en était capable et il le savait. Barrold savait à quel point ce petit bout de femme pouvait être têtu et combien il n'avait aucune chance de gagner. Elle avait décidé et rien ne la ferait changer d'avis. Le libraire tourna donc les talons, ferma les yeux, s'assit et lâcha un soupir sonore en croisant les bras. Yse jeta un dernier coup d’œil vers Barrold puis rassurée elle commença à ôter ses vêtements trop chaud pour la journée.

L'air était bon, le soleil brillait haut dans un ciel bien dégagé. Barrold toujours assit en tailleur, humait le parfum des fleurs qui l'entouraient. Ses joues rosirent légèrement lorsqu'il entendit le bruit d'un plongeon.
L'eau était froide mais cela ne rajoutait que plus de plaisir et de soulagement au corps et aux pieds d'Yse, meurtris par les longues heures de marche.

- Barrold !; cria-t-elle.

- Quoi ?!

- Venez vous baigner, l'eau est géniale !

- Hein ?! ; s'étrangla le pauvre libraire dont les joues avaient viré au rouge pourpre ; mais je ne peux pas ! Tu es… enfin je veux dire… ; bafouilla-t-il gêné.

Yse se mit à rire si fort qu'on pouvait l'entendre de l'autre côté de la forêt.
Un peu plus tard, la lycéenne avait renfilé ses vêtements. Les cheveux encore trempés elle vint s'asseoir aux côtés du jeune homme. En la voyant arriver les joues de ce dernier de tardèrent pas à rosirent de nouveau, surtout lorsqu'il repensa à ce qu'elle lui avait dit un peu plus tôt. Quand elle s'assit Barrold tourna instinctivement la tête pour cacher sa gêne.

- Vous savez… je plaisantais tout à l'heure ; commença Yse qui avait vu sa réaction ; alors s'il vous plait ne vous fâchez pas.

- Ah mais je ne suis pas fâché ; se dépêcha de répondre le jeune homme ; il faut juste que… que j'aille marcher un peu.

Sur ces mots, le libraire se leva d'un bond et alla marcher du côté de la forêt d'où ils étaient arrivés. Yse l'attendit assise dans l'herbe, l'air perplexe. Il revint une dizaine de minutes plus tard.

- Bon ; commença-t-il ; je ne pense pas que ce soit prudent de reprendre la route pour aujourd'hui. Si on s'arrête en pleine forêt pour dormir nous serons une proie de choix pour nos amis les bandits. Restons là pour cette nuit, en plus nous avons de l'eau potable à volonté.

- Mais il le soleil est encore haut ; fit remarquer Yse.

- C'est vrai mais c'est un leurre. Dans une heure tout au plus la nuit sera là et je ne crois pas que marcher à l'aveuglette soit une très bonne idée.

Ils décidèrent donc d'un commun d'accord de passer la nuit près du cour d'eau. Barrold alla chercher de quoi faire du feu pendant que Yse installait deux couvertures en peau de bête. Ils mangèrent la même chose qu'au déjeuner dans le même silence.

- Barrold…

- Quoi ?

- Je sais que c'est idiot comme question…

- Alors pourquoi tu demandes ?

- Parce-que je suis curieuse.

- Alors vas-y, mais ne dit pas que c'est idiot ça donne pas envie de répondre.

- D'où viennent ces peaux que vous avez acheté ? Et la viande de l'auberge ?

- Des terres du centre, c'est là que sont venus les créatures qui jadis peuplaient ces terres.

- Et elles sont loin les terres du centre ?

- Oui. De plus les gens qui vivent là-bas ne sont pas franchement sympathiques, mais le plus important c'est qu'on ait de la viande et des peaux.

- Dites, un jour vous me raconterez un peu les histoires de ces terres et les terres du centre ?

- Tu rigoles ça me prendrait des siècles de tout te raconter…

- Oh…

- Pour le moment vas te coucher, on a encore du chemin à faire après la forêt.

Yse ne répondit rien et ne se le fit pas dire deux fois. Elle s’emmitoufla dans sa couverture et plongea dans un sommeil profond et sans rêve. Ce n'est que bien plus tard dans la nuit qu'elle fut réveillée par un bruit de branche.




Fin du Chapitre 8





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