PSYCAUSE
CHAPITRE 2
*
16h15.
Ça fait une semaine. Déjà une semaine. Je le sais parce que
partout sur les télés des lieux publique et les journaux il y a les
dates. Je les compte, voulant savoir avec précision depuis quand je
suis née et depuis quand mon calvaire a commencé. Je ne saurai dire
si j'ai fait le bon choix, j'ai fait un choix. J'ai su dès l'instant
où je suis rentrée dans cet hôpital que jamais plus je n'aurai de
vie normale. Je ne m'attendais pas à ça mais je m'en doutais un
peu. Elle est là, toujours là mais elle se tait, contemple avec
délectation sans doute ce que je vis. Jamais ne porte un regard de
jugement mais je sais qu'elle me voit autant que je la vois. Sur ce
point je ne suis pas folle quand bien même les autres ne peuvent pas
la voir. Je dois me battre même si j'ignore pourquoi. Une semaine,
c'est si énorme et si peu à la fois. Je n'ai pas recroisé cet
homme bizarre depuis mon passage au parc. Mais j'ai peur,
continuellement je regarde autour de moi avec méfiance, j'étudie
avec minutie ce qui m'entoure. Tous les jours je trouve un nouvel
endroit pour passer la nuit. Il y a peu j'ai trouvé des chaussures
dans une benne à ordures pratiquement neuves. Des chaussures
d'hommes bien trop grande pour moi mais je ne m'en plains pas. J'ai
déchiré le bas de mon pantalon pour faire des bandages autour de
mes pieds, ça me sert de chaussettes. Hier aussi j'ai réussi à
voler sur un étendoir un t-shirt trop grand là encore, mon ancien
haut commençant sérieusement à puer. Je le garde quand même avec
moi pour le soir. Une semaine… combien de temps encore ? Je
commence à peine à trouver mes marques mais bientôt il me faudra
partir, essayer de survivre ailleurs. Je n'ai pas d'argent, pas de
papiers, pas de famille. Mais depuis que j'ai trouvé ces chaussures
le ciel semble avoir été clément avec moi. Même perdue et sans
rien j'ai réussi à survivre aux prix de gros efforts. Je suis
maigre et affamée, sale et fatiguée mais je suis vivante. Malgré
tout mon rhume persiste, peut-être s'est-il aggravé. Je ne le
saurai que lorsqu'il sera trop tard. Quand je m'arrête devant un
reflet le temps ralentit. Je la vois, parfois elle me sourit parfois
pas. Elle reste muette et elle m'est d'un étrange réconfort. Je
touche du bout des doigts ce reflet si semblable à moi et pourtant
si différent. Le temps n'existe plus. J'ai l'impression qu'elle
cherche à me dire quelque chose, et pourtant jamais ne prononce le
moindre mot. Plus depuis cette seule et unique fois.
Le
soir tombe rapidement sur la ville, les lumières s'allument
maintenant la cité en éveil. C'est beau une ville illuminée si on
ne tient pas compte du ciel si exempt d'étoiles planant au dessus de
nos têtes. Je me balade le long des rues animées, une ambiance
chaleureuse y règne. Les enseignes se succèdent les unes après les
autres, mêlant tour à tour les couleurs de l'arc en ciel. Le temps
se fige. Seule et folle, mais si bien tant qu'elle ne sait pas. Je
voudrais que ces moments ne cessent jamais. Je vois des gens rires,
des familles heureuses, même des gens seuls semblent aimer
l'ambiance environnante. Moi et mon éternel carton y compris aussi.
Les yeux rivés sur le sol j'aperçois soudain un petite tâche
rouge. Je me baisse et ramasser un élastique à cheveux. Quelle
chance ! J'en profite pour attacher les miens bien qu'ils ne
ressemblent plus à grand-chose. Ils ont poussé même si ce n'est
pas flagrant. Ma franche me tombe maintenant beaucoup sur les yeux,
alors qu'au centre elle s'arrêtait pile au niveau de mes sourcils.
C'est fou comme des cheveux peuvent pousser vite. Cinq minutes plus
tard j'aperçois une église et me remémore avec surprise là scène
qui c'était déroulée devant une semaine auparavant. Un peu
nostalgique je m'assoies de nouveau sur les marches en pierres et
profite du paysage. Une très légère brise passe dans les cheveux
que je n'ai pas réussi à attacher les faisant timidement voler. Je
ferme les yeux un instant et inspire avec calme et lenteur. Je me
sens bien.
« Toujours
en vie. »
Je
pousse un cri de surprise, la voix vient de derrière. Je reconnais
sans peine l'inconnu qui m'avait abordé dans le parc, arborant
toujours sa tenue son bob et ces lunettes noirs. On pourrait presque
croire qu'il ne s'est pas changé de la semaine. Moi qui croyait être
un cas exceptionnel.
« Vous ! »
Je
ne pouvais pas m'empêcher de le pointer du dois en me levant vers
lui.
« Qu'est-ce
vous me voulez encore ?! »
Il
lâcha un soupir.
« On
veut te voir. »
-
C'est qui « on » ?
-
Des gens.
-
Oh et vous croyez qu'en me disant un truc comme ça je vais vous
suivre bien gentiment ?
-
J'ai bien vu la dernière fois que ce n'était pas si simple. (Il me
lança un petit sourire) Malheureusement pour le moment je ne peux
pas te renseigner sur l'identité des personnes qui veulent te
rencontrer, saches simplement que nous ne sommes ni de l'hôpital ni
du centre et que nous ne souhaitons aucunement t'enfermer dans une
structure.
-
C'était presque convaincant, mais je ne suis pas dupe. Peu importe
qui vous êtes en fait quoi qu'il arrive, je ne vous suivrai pas !
L'homme
soupira une fois de plus et sortit un sac en plastique avant de venir
s'asseoir à coté de moi.
-
Je parie que tu as faim, assieds-toi j'ai apporté des sandwichs.
Mon
ventre gargouilla au mot sandwichs. Je tentais inutilement de cacher
ma gêne.
-
Vous pariez ou vous savez sale espion ?
Pour
toute réponse le jeune inconnu se contenta de sourire et de prendre
un des sandwichs dans le sac. J'étais toujours méfiante, mais
j'avais trop faim pour partir.
-
Je m'assois à une condition, vous n'essayez pas de me capturer
pendant que je mange, ou je jure que vous ne serez plus un homme
digne de ce nom dans la minute qui suit.
Il
leva les bras, un morceau de sandwich dans la bouche.
-
Churé.
Je
m'assis avec méfiance et sortis le deuxième sandwich. Je mordais
dedans avec faim. Je voulais sentir le goût du poulet avec sa sauce
moutarde mais j'avais si faim qu'à peine j'avalais une bouchée
qu'une autre se préparait à la suivre.
-
Eh eh doucement !; intervint l'inconnu en tirant un peu sur mon
repas ; on a tout le temps alors mange tranquillement.
-
J'essaye, mais j'ai trop faim.
Je
le regardais comme une petite fille qu'on venait de gronder pour
avoir manger un bonbon sans permission. L'homme éclata d'un rire
franc.
-
Essaye quand même de ne pas t'étouffer en mangeant ; me dit-il
en reprenant son sérieux.
Je
reprenais mon activité malgré les cheveux qui me tombait de nouveau
sur les yeux. Rien ne m'empêcherai de manger ce sandwich !
Cheveux ou pas. Je soufflais dessus, mais rien ne changeait. Je finis
par me résigner. C'est alors que je vis une main se rapprocher de
moi. Je m'écartais machinalement, la bouche encore pleine. Je vis un
regard étrangement doux et tendre. L'inconnu avança encore sa main
et vint placer la mèche de cheveux qui me gênait derrière
l'oreille. Il me sourit.
-
… Merchi ; dis-je en finissant ma bouchée.
Il
tint parole et n'essaya pas une seule fois de me forcer à venir avec
lui. Je trouvais cette attitude docile des plus louches mais je n'en
disais évidemment rien. Je restais sur mes gardes comme un chat près
à bondir au moindre mouvement suspect. Il froissa son sac plastique
et le mit dans une des poches de sa veste.
-
On va se balader ?
-
Non.
-
Pourquoi ?
-
Pas confiance.
-
Allez…
-
Non.
-
Tu veux pas te balader ?
-
Pas avec vous.
Aïe.
Il fit une moue boudeuse. Je ne voyais pas grand-chose de son visage
à cause de ce bob et ces lunettes noires. J'avais envie de lui poser
des tas de questions mais je sentais bien qu'il refuserait d'y
répondre. J'étais peut-être trop méfiante, mais les récents
événements de ma vie m'avaient appris qu'on ne peut faire confiance
à personne, pas même ses proches.
-
Dans ce cas tu veux discuter ?
-
De quoi ?
-
De toi.
-
Pourquoi moi ? Moi je suis plutôt curieuse à votre sujet.
-
Qu'est-ce que tu veux savoir ?
-
Nom, Prénom, âge, date d'anniversaire, taille poids, hobby…
-
Nom : Jorris ; Prénom : Marc ; âge : 29
ans ; anniversaire : 26 Octobre ; taille : 1m78 ;
poids : 65kg ; hobby ? Heu… la musique, le sport,
les animaux… bref des trucs bateaux.
-
Vous bossez dans quoi ?
-
Top secret.
-
Comme c'est pratique.
-
Tu le saurais si tu m'accompagnais.
-
Je me demandais quand est-ce que le sujet reviendrait.
-
J'ai besoin que tu viennes.
-
Moi j'en ai pas besoin.
Il
me regarda fixement l'air impassible. C'était une espèce de bras de
fer, qui allait gagner personne ne le savait. C'était amusant,
rafraîchissant même. Ça faisait bien longtemps que je ne m'étais
pas autant amusée. Marc souffla bruyamment.
-
Quelle tête de mule.
-
Au moins ça nous fait un point en commun.
On
se regarda une nouvelle fois, tentions de garder un air neutre mais
mon sourire finit par me trahir. Depuis combien de temps n'avais-je
pas souri si franchement ? Je me sentais étrangement bien,
étrangement… vivante.
Marc
sourit lui aussi, un sourire craquant avec des dents parfaitement
alignées. Trop propre. Le silence revint s'installer entre nous.
Toujours assis sur les marches de l'église, le froid se faisait
cependant de plus en plus présent. Même avec deux épaisseurs de
tissus je ne pouvais m'empêcher de trembler et de tousser, j'avais
pris l'habitude.
-
Ecoute je sais que tu ne me fais pas confiance, mais tu n'as aucun
endroit où dormir pas vrai ?
-
Bien sûr que si ! Sous le pont par exemple ou dans une impasse
quelconque, sans compter que j'ai ma super couverture tout type de
sols !; disais-je en montrant fièrement mon carton.
Marc
ne rit pas, une blague de plus qui tombe à l'eau. Il me regardait
fixement l'air grave.
-
Je suis sérieux… tu es malade et squelettique!
Combien de temps vas-tu rester comme ça ?
-
Le temps qu'il faudra pour que je trouve une hygiène de vie à peu
près normale.
Voyant
que la conversation prenait un ton un peu trop sérieux je me levais
et me préparait à partir :
-
Merci pour le sandwich et cette conversation. Aurev…
-
Attends !
Marc
m'attrapa le bras avec fermeté, prise de panique je faisais un
mouvement brusque pour me dégager, en vain. Il me tenait fermement
le poignet.
-
Je ne t'emmènerai pas si tu ne veux pas je te le jure n'aies pas
peur.
-
Tu oublies juste cette fois où tu m'as carrément porté de force !
-
Tu t'écroulais par terre ! Écoute, c'est vrai que j'ai pas agi
de manière très diplomate la dernière fois mais juste cette nuit
acceptes que je t'héberge.
-
Non !
Je
me dégageais fermement. Voyant que je ne lui faisais absolument pas
confiance Marc baissa la tête. Il avait l'air contrarié.
-
Très bien.
Il
tourna les talons et partit les mains dans les poches sans se
retourner. Je restais seule comme une idiote avec mon carton sous le
bras. C'était à la fois frustrant et rassurant. Le fait qu'il n'ait
pas insisté me rassurait sur le fait qu'il ne cherchait pas par tous
les moyens à me faire venir avec lui, mais d'un autre coté qu'il
n'ait pas insisté était frustrant… en tant que femme. Puis je
réalisais mon état. Sale, maigre, puante et malade. Un bon résumé.
Je soupirais, j'avais loupé une chance de dormir au chaud mais le
danger était grand, et je ne me sentais pas encore prête à prendre
ce genre de risque. Je m'enfonçais dans les rues étroites du
quartier dans la direction opposé de Marc.
Cette
nuit il fit vraiment froid. Malgré mon brave carton le froid
pénétrant attaquait ma peau en passant sous mes vêtements. Je
claquais des dents. Le vent était fort et la pluie menaçait de
tomber. Quelle idiote vraiment ! Mais il était trop tard pour
faire marche arrière. Moins d'une heure plus tard je décidais de
changer d'emplacement, celui-ci étant définitivement trop exposé.
Je parcourais les rues silencieuses avec résignation. Bientôt
j'aperçus la petite église et de nouveau je sentis mes larmes
coulées. Je tournais en rond. J'avais froid, et soif. Je m'assis sur
les marches, et attendais avec douleur une potentielle fin. Je
toussais à en cracher mes poumons. Le vent couvrait mes sanglots.
Recroquevillée sur moi-même je tenais et serrais aussi fort que
possible mon carton contre moi. J'étais épuisée et résignée.
Il
me fallu dix bonnes secondes avant de réaliser, un quart plus tard
que quelqu'un se tenait devant moi.
-
« Marc…
-
Je savais que je te trouverai ici.
-
Menteur… (Je toussais fortement)… avoue que tu m'espionnes.
-
Je n'en ai pas eu besoin, appelle ça de l'instinct.
Lentement
je sentis qu'on me soulevait.
-
Non !
-
Je t’emmène chez moi que tu le veuilles ou non, tu partiras demain
matin si tu le souhaites mais je refuse de te laisser dormir ici dans
ce froid.
La
voix de Marc était ferme… et merveilleusement rassurante. Je ne
souhaitais pas me débattre, pas plus que de me défaire de son
emprise. Le corps de Marc était chaud, j'y enfouis mon visage et me
tus tout le long du trajet.
Je
dormais à moitié lorsque Marc me déposa sur le lit. Je fus
accueillis par une couette moelleuse et chaude.
-
Tu es gelée…
-
J'ai l'habitude.. ; répondais-je en dodelinant.
Marc
partit quelques instants. J'entendais un bruit d'eau provenant d'une
pièce voisine, mais la fatigue m'empêchait de détailler
l'environnement. Le jeune homme revint quelques minutes plus tard et
je repris dans ses bras pour m'emmener dans la salle de bain.
-
Il faut que tu te réchauffes sinon tu vas vraiment y laisser la
peau.
Intérieurement
je m'en fichais un peu. J'étais déjà morte dans un sens. Trop
faible pour protester je me laissais plonger dans l'eau légèrement
chaude. Marc avait pris soin de ne pas faire couler une eau trop
chaude, ce qui rendait l'immersion des plus agréables. L'eau passait
à travers mes vêtements et réchauffait peu à peu mon pauvre corps
gelé. C'était comme les bras d'une mère qui vous couvre d'amour
après une lourde épreuve, malgré moi, je me remémorais ma mère
me prenant dans les bras et une larme coula de ma joue. Je pleurais
trop ces derniers temps, sans doute pour compenser toutes ces années
de mort intérieure. Dix minutes après Marc vint me chercher. Je ne
dormais pas tout à fait et sentit lorsqu'il commença à m'ôter mon
haut. J'aurais dû me sentir gêner, honteuse. Rien, le néant.
J'étais trop fatiguée pour avoir honte. De toute façon je
n'attendais rien de particulier. Après m'avoir débarrassé de mes
vieux vêtements trempés Marc enroula une longue serviette autour de
mon corps et entreprit de me sécher un peu les cheveux. Après quoi
il me fit enfiler un long t-shirt qui devait lui appartenir et me
glissa tendrement dans le lit moelleux. Je dormi comme un loir. Le
matin fut rude, surtout lorsqu'on vient de passer une nuit aussi
agréable. Je me sentais bien, le lit était doux, la couette
moelleuse à souhait et une douce chaleur m’étreignait… Marc.
Marc ? Je mis un court instant à réaliser qu'il dormait
paisiblement à mes cotés, me tenant dans les bras. Enfin débarrassé
de cet éternel bob et de ses lunettes noires, je taisais mon cri de
surprise pour étudier méthodiquement son visage. Et quel visage !
Encadré par une touffe de cheveux blonds assez long pour un homme,
il a les traits réguliers et des cils plutôt longs. Un nez bien
fait droit et long, ses lèvres elles s'étirait finement au dessus
de son menton bien rasé. Des sourcils un peu broussailleux eux aussi
blonds. Je me perdais dans cet contemplation matinale quand je vis
ses paupières se lever pour faire place de envoûtantes pupilles
vertes. Mama, si on m'avait dit qu'un jour je me réveillerai dans le
lit d'un mec aussi mignon. Mais très vite un détail me revint à
l'esprit. Cet apollon était aussi, accessoirement, le même qui
avait essayé de ma kidnapper quelques jours plus tôt. Un détail.
Croisant mon regard Marc me sourit gentiment et passa la main dans
mes cheveux. Nos visages étaient proches l'un de l'autre, assez
proches pour que s'il baissait la tête nos lèvres se touchent.
-
Salut, comment tu te sens ce matin ?; la question avait été
posée le plus simplement du monde.
-
Bien merci… mais pourquoi j'ai dormi dans tes bras ?
-
Cette nuit je voulais dormir sur le canapé mais tu claquais des
dents et tu tremblais. J'ai fini par avoir pitié de toi.
-
Oh… eh bien merci… radiateur.
Je
lui souris de manière friponne. Un sourire qu'il me rendit à
moitié, caressant toujours ma chevelure sombre. Puis sans un mot il
me prit dans ses bras et me câlina gentiment.
-
Tu sais hier j'ai eu peur. Quand je t'ai vu si faible j'ai vraiment
cru que tu allais me claquer entre les doigts.
-
Et si ça avait été le cas ?
Il
me serra un peu plus fort.
-
Je ne sais pas ce que j'aurai fait. ; Il m'avoua ça avec une
telle honnêteté et sincérité que je ne sus pas quoi répondre.
Je
me demandais si dans sa vie il n'avait pas déjà perdu quelqu'un
dans des circonstances similaires. Je lui rendis son câlin, plus par
réflexe que par réelle envie. Il avait les bras et la chaleur d'une
mère, un frère et un ami. Cette étrange impression de le connaître
depuis toujours, d’interagir de manière si naturelle alors que
nous étions quasiment des inconnus l’un pour l’autre pas plus
tard que la veille. Je plongeais ma tête dans son torse et profitais
encore un peu de cet instant de calme. Nous savions tous les deux que
la situation allait se compliquer. Mais nous ignorions à quel point.
Il m'embrassa sur le front.
-
Tu as faim tu veux manger ?; demanda-t-il en se levant.
-
Tu connais déjà la réponse…
Il
sourit et se dirigea dans le fond de la pièce, vers le coin cuisine.
Pendant qu'il préparait le petit déjeuner j'en profitais pour
détailler les lieux. Un endroit simple, propre. Une grand pièce
principale, sur la droite de la porte d'entrée ce trouvait le coin
cuisine en open space avec le reste de la pièce. Dans le fond
toujours sur la droite, en face du lit un coin salon avec deux
canapés formant un angle et une télé écran plat. Sur le coté la
porte menant à la salle de bain. Le coin chambre était délimité
par un parquet posé en losange au niveau du lit, ce dernier
accompagné de tables de nuit blanches de chaque coté. Pour les
couleurs là encore du sobre : blanc, noir, gris marron et de
temps temps quelques touches de rouges surtout au niveau de la
cuisine. Un bel appartement en somme.
-
Mademoiselle est servie !
Lança
Marc du fond de la pièce. Sans attendre je me levais et me dirigeais
d'un pas rapide vers les tabourets. Assis face à face nous mangions
comme de rois tout en discutant de tout et de rien le tout accompagné
d'une bonne tranche de rires. Après le petit déjeuner Marc
m'autorisa à utiliser la salle de bain à ma guise. Je repris un
bain, un vrai cette fois-ci et pris le temps de bien me décrasser.
Une fois sortie je renfilais le t-shirt que Marc m'avait prêté ne
sachant pas ou il avait mis mes anciens vêtements. Je prenais
soudain totalement conscience de la scène qui s'était déroulée la
veille dans cette même salle de bain. Le rose me monta aux joues. Je
sortis timidement, les cheveux encore mouillés, le t-shirt tombant
de mon épaule gauche et me couvrant à peine plus de la moitié de
mes cuisses.
-
Marc… ; appelai-je timidement.
-
Oui ? ; répondit celui-ci alors qu'il refaisait le lit me
tournant le dos.
-
Qu'est-ce que tu as fait de mes anciens vêtements ? Je ne peux
pas rester avec ton t-shirt toute la journée.
Il
s'immobilisa, l'oreiller à la main.
-
Je les ai jeté.
-
Quoi ?!
Il
se tourna lentement vers moi et fixement si intensément que mon cœur
rata un battement. Il s'approcha d'un pas lent, laissant l'oreiller
tomber sur le lit. Arrivé à ma hauteur, le regard fiévreux il
poursuivit.
-
Ils empestaient, étaient sales et trop grand pour toi de toute
façon.
Sa
voix grave faisait vibrer chaque partie de ma peau.
-
M… Mais je n'ai que ça.
Il
fixait mon épaule dénudée. Il se pencha et m'embrassa dans à la
naissance du cou. Ses mains agrippèrent mes hanches et la pression
de ses lèvres sur ma peau s'intensifia. Des frissons me parcouraient
le corps. Je posais timidement mes mains sur son torse sans envie de
le repousser. Ce n'était pas de l'amour, mais une simple réaction
naturelle du corps. Cela faisait si longtemps, ne éternité même,
que je n’avais pas eu de contact si intense avec une personne. Ses
lèvres embrassèrent mon cou jusqu'au creux de mon oreille. Il
murmurait
-
Tu sens bon.
-
M… Marc… ; ma voix était hésitante.
Il
me serra fort contre lui. Encore une fois je savais, ce n'était pas
de l'amour, ce n'était pas comme avec Adrien. Mais je m'en fichais,
il avait envie de moi. Simple pulsion sexuelle, je le remerciais déjà
d'avoir réussi à garder son sang froid alors qu'il m'avait
déshabillée puis rhabillée. Je savais aussi qu'il se retenait,
qu'il attendait de voir si il avait ma permission. Ça le rendait
vraiment irrésistible. Je pris sa tête dans le creux de mes mains,
nos regards se croisaient, s'entendaient. Finalement nous nous sommes
embrassés sans gêne et sans honte. Il me transporta sans rompre le
lien et nous fîmes l'amour. Encore une fois je me sentais vivre
depuis si longtemps, c'était la première fois que je me laissais
aller avec un homme que je ne connaissais pas et envers lequel je
n'avais pas de sentiment amoureux. C'était grisant de dépasser ses
propres interdits. Le corps de Marc pesait contre le mien, nous
étions ivres mais ivres de passion presque bestiale. Nous l'avons
fait jusqu'à ce que nos corps cris grâce et que nous nous
endormîmes de fatigue. Lui aussi avait dû mourir une première
fois. Pour moi ce n'était qu'une expérience d'une vie nouvelle, je
comprenais ce besoin irrépressible de sexe et en ce point Marc était
un amant idéal. Bien bâtit on sentait qu'il n'en était pas à son
coup d'essai. Je me réveillais dans ses bras enroulés autour de moi
et me sentais étrangement en sécurité.
Je passais une nuit de plus chez lui, nous n'étions pas sorti de la
journée. Désormais c'est naturellement que je sentais son corps nu
peser contre le mien. Je me tournais pour le prendre dans mes bras et
le serrer contre moi. Il me rendit mon étreinte avec autant de force
et de passion. On sonna à la porte cinq minutes après. Avec un
grognement Marc sortit du lit et enfila un vieux t-shirt et un
jogging. Je me redressais sur mes coudes pour tenter de voir qui
pouvait venir à une heure pareille. A ma grande surprise Marc laissa
son impromptu invité rentrer sans que j'ai eu le temps d'enfiler
quoique se soit. Pour toute défense je me drapais dans la couette.
Un homme aussi grand que Marc s'arrêta aux pieds du lit et commença
à me dévisager d'un air méprisant. Lui aussi vêtu de noir, faut
croire que c'est une habitude ici. A l'inverse de Marc ce dernier
avait des cheveux couleur ébènes, et de yeux noir de jais
hypnotisant. Happée dans ce regard si profond je perdais peu à peu
conscience du monde qui m'entourait. J'aurai pu m'y noyer si je
n'avais pas vu une lueur si méprisante y briller. L'inconnu tourna
la tête vers Marc visiblement agacé.
-
C'est une manie pour toi de te taper tout ce que tu récupères
hein ?
-
Dis pas de connerie.
Ils
devaient avoir le même âge, à un an près. Du moins c'est
l'impression qu'ils donnaient. Le voyant désormais de profile
j'apercevais un visage aux traits doux, un nez légèrement
retroussé, des cils et des sourcils noirs, un menton assez court. Sa
peau était plus bronzé que celle de Marc et une petite boucle
d'oreille brillait à son oreille droite. Ses cheveux étaient un peu
plus courts que ceux de Marc et pas moins ébouriffés. Il avait une
aura électrique.
-
Virgile veut la voir.
-
A cette heure ?
-
Tu le connais, pour lui « l'heure » est un concept assez
flou.
-
Elle ne veut pas venir.
-
Par contre elle n'a pas dit non pour ton lit.
-
La ferme Shay ! C'est moi qui l'ai amené de force, elle ne
voulait pas venir et je lui ai dis qu'elle pourrait repartir quand
elle se sentirait mieux.
-
Joue pas aux cons Marc ! Virgile a besoin d'elle !
Visiblement
peu perturbée par ma présence, les deux jeunes coqs continuaient un
débat inutile. La colère finit par me piquer les narines.
-
Eh vous deux je peux parler en mon nom !
Les
deux blancs becs se turent et me regardèrent surpris.
Je
me levais, prenant soin de garder la couette bien serrée contre moi
et me plantait devant le dénommé Shay.
-
Vous ! ; dis-je en pointant du doigt ; vous en avez du
culot ! Je ne suis pas une « chose » d'accord ?
(je me tournais vers Marc) et toi ! Je peux parler pour moi. (je
me tournai de nouveau vers Shay). Je ne sais pas qui vous êtes ou
pour qui vous travaillez et ça ne m'intéresse pas. Alors arrêtez
de nous bassiner !
Shay
retint visiblement de me hurler dessus. Le beau garçon n'a pas
vraiment l'habitude qu'on le remette à sa place. Il serra les poings
et les desserra.
-
Donc si j'ai bien compris Marc ne t'as rien dit.
-
Je suppose que non et à vrai dire il a bien fait.
-
Donc tu ignores pourquoi nous avons besoin de toi.
-
Tant que je n'ai pas besoin de vous…
La
scène semblait beaucoup amuser Marc qui retenait une furieuse envie
d'éclater de rire.
-
Marc ne ris pas trop, quand j'aurai fait mon rapport à Virgile tu
vas passer un sale quart d'heure.
La
remarque fit mouche.
-
Shay tu ne vas pas… tu ne vas pas oser ?
-
Oser apprendre à ton supérieur que tu te tapes ses sujets au lieu
de venir bosser ? Je vais me gêner…
-
Shay je t'en supplie de fais pas ça !
-
Lâche moi le bras !
La
scène avait pris un tournant un peu inattendu. Je regardais les deux
compères faire mumuse ensemble et pensais en toute sincérité
qu'ils auraient pu être des frères. Soudain tout devint très
lointain, un vertige me fit me rasseoir sur lit. Ma tête tanguait et
tout devenait flou. Des images très furtives. Ce n'était que le
début.
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