Le Monde de Graha
Volume
1
« L'imagination
est un chemin bien compliqué, mais celui du réel n'en n'est pas
plus facile car il habite votre esprit et votre cœur, et vous fait
parfois croire en des choses qui n'existent qu'en rêves. »
Extrait
de discours
Exeva
Nivius, Grand Sage
Chapitre
8 : Balade en forêt
Il
n'était pas encore midi que le soleil pointait déjà bien haut dans
le ciel. La chaleur était forte et Yse se surprit plusieurs fois à
remarquer à quel point cette journée était bien différente de la
précédente, autant dans la température que dans les événements.
La jeune fille avait à peine dormi tant ce qu'elle avait vécu et
appris était incroyable. Elle petite lycéenne de campagne, elle
grande rêveuse et dévoreuse de récits fantastiques se retrouvaient
dans un soi-disant « monde parallèle » où se côtoyaient
paysages médiévaux et créatures fantastiques. Au plus profond
d'elle-même Yse exaltait de joie et tremblait de peur. Elle et
Barrold avaient beau être debout depuis l'aube la jeune aventurière était si
excitée et émerveillée par ce qui l'entourait qu'elle ne
ressentait aucune fatigue. En revanche ses pieds lui intimaient de
faire des pauses régulières. A chaque pause Yse avait l'impression
de revenir au point d'arrêt précédent et finissait par avoir
l'impression de tourner en rond. Le libraire n'avait pas menti en lui
disant que cette forêt était immense et qu'on pouvait facilement
s'y perdre. La jeune fille se demandait d'ailleurs comment il faisait
pour se repérer sans carte, mais elle se garda bien de lui poser la
question. En effet depuis qu'ils avaient entamé leur traversée de
la forêt le jeune homme était d'une humeur de chien et n'avait pas
ouvert la bouche de tout le trajet. Yse fit quelques tentatives de
conversations, mais toutes se finirent par un bel échec. Alors la
jeune fille se résigna vexée et s'enferma à son tour dans un
bruyant mutisme. Pour distraire son esprit de la douleur de ses pieds
meurtris (dû en partie à son manque d'activité sportive), la
lycéenne se mit à regarder les alentours et à examiner chaque
recoins de cette interminable forêt.
Ce
qui l'avait frappé en premier c'était le silence qui y régnait.
Pas un chant d'oiseau, pas un bruissement de feuille, juste le
silence légèrement perturbé par leur bruit de pas. Mais le silence
n'était pas le phénomène le plus curieux de cette forêt. En
regardant les alentours Yse s'était aperçue de la diversité des
arbres qui composaient le paysage. Immenses et nombreux, la
végétation recouvrait presque entièrement le sol et la lumière
filtrait au travers des feuilles vertes et jaunes. C'était un
spectacle magnifique à contempler, mais Yse préférait s'intéresser
aux arbres eux-mêmes. Chacun semblaient appartenir à une espèce
différente, mêlant ainsi des sortes de chênes et peupliers à des
espèces de palmiers et de baobabs. Cette diversité rendait
l'endroit enchanteur, cependant la jeune fille ne se rappelait pas
avoir vu de semblable chez elle. Barrold et elle continuèrent de
marcher pendant plusieurs minutes, chacun s'occupant ainsi à leur
manière.
Ils
s'arrêtèrent quelques minutes plus tard pour déjeuner. Un quignon
de pain noir et d'étranges petites billes de fruits de la même
couleur. C'était un maigre repas et Yse plutôt bonne mangeuse
sentait que le reste de la journée allait être bien long avec si
peu dans l'estomac.
-
Tu devras t'y faire ; dit soudain le libraire, comme s'il avait
deviné les pensées de la lycéenne ; c'est trop dangereux
d'amener beaucoup de nourriture et de toute façon je n'avais pas
assez d'argent pour nous acheter un festin.
-
Oh ne t'inquiètes pas, mon estomac est solide et de toute façon
avec tout ce que je viens de vivre je n'ai pas beaucoup d'appétit ;
mentit Yse.
L'échange
fut bref et chacun mangea sa part en silence. Ils se remirent en
route peu de temps après, Yse remarquait que le bois était non
seulement calme mais également étrangement inhabité.
-
Barrold ; finit-elle par dire.
-
Hm ?
-
Comment ça se fait que la forêt soit si calme ?
-
Tu préférerais qu'elle soit bruyante ?
-
Non c'est pas ça… c'est juste que ça me fait bizarre de rien
entendre ni voir. Quand on se trouve en pleine forêt on s'attend à
croiser des animaux, des gens même ! Tu disais qu'il pouvait y
avoir des brigands.
-
J'ai pas dit qu'il y en avait derrière chaque arbre, répondit
Barrold visiblement agacé, c'est juste un risque qu'il ne faut pas
négliger de prendre en compte. Pour ce qui est des animaux… (il
s'arrêta et poussa un long soupir), ça fait bien longtemps qu'il
n'y en a plus vraiment.
-
Comment ça ?
-
Eh bien, (il se remit en marche) pour faire court disons que le
premier empereur avait jugé bon de chasser toutes les créatures
susceptibles de nous nuire du territoire, donc depuis nous n'avons
plus que quelques rares espèces qui se terrent la journée et
vadrouillent à la recherche de nourriture la nuit.
-
Alors cette forêt est inhabitée ?; s'étonna la jeune fille.
-
Bien sûr que non ; lança le jeune homme ; le peuple des
Leïlors vit ici, mais bien heureux est celui qui peut se vanter d'en
avoir vu un.
-
Le peuple des Leïlors ? Qui sont-ils ?
-
Hm chez toi ont les appelleraient des elfes. Apparemment d'après les
quelques rares descriptions que l'on a d'eux se seraient des êtres
assez petits, avec des très longues oreilles pointues recourbées
vers le bas… leur peau serait un mélange de bleu et de violet un
peu translucide et leurs yeux seraient grands, les pupilles soit
vertes soit jaunes.
-
Wow ; siffla Yse ; j'espère qu'on aura l'occasion d'en
voir au moins un. Tu sais si ils comprennent le langue humain ?
-
C'est une bonne question ; concéda le libraire ; je n'en
sais rien. Les rares personnes qui en ont vu ne leur ont jamais
parlé, ils sont si difficile à apercevoir que beaucoup pensent aujourd'hui qu'ils ne sont qu'une légende.
-
Dommage ; soupira la jeune fille.
Cette
nouvelle enchantait la lycéenne, elle qui avait toujours rêvé de
voir de drôles de bestioles imaginaires la voilà qui se trouvait au
bon endroit. Cependant les deux jeunes gens avaient beau marcher
depuis quelques heures déjà rien n'était venu perturber leur
petite balade, même pas un bruit de feuille. Yse regardait sans
arrêt autour d'elle espérant entrevoir le bout d'une oreille
bleutée, mais rien. Alors que l'après midi entamait sa cinquième
heure, les deux aventuriers arrivèrent près d'un cour d'eau. Yse
avait chaud et en voyant toute cette eau n'eut plus qu'une envie :
se baigner.
-
Barrold ?; appela la jeune fille d'une voix suave.
-
Quoi ?; demanda le concerné d'un ton beaucoup moins sucré.
-
Tournez-vous.
-
Pour quoi faire ? Ne me dis pas que tu veux te baigner !
Nous n'avons pas le temps pour ça.
-
Soit on s'arrête et vous vous tournez, soit je vous récite tous mes
cours depuis le début de l'année.
Le
jeune homme déglutit, elle en était capable et il le savait.
Barrold savait à quel point ce petit bout de femme pouvait être têtu et
combien il n'avait aucune chance de gagner. Elle avait décidé et
rien ne la ferait changer d'avis. Le libraire tourna donc les talons,
ferma les yeux, s'assit et lâcha un soupir sonore en croisant les
bras. Yse jeta un dernier coup d’œil vers Barrold puis rassurée
elle commença à ôter ses vêtements trop chaud pour la journée.
L'air
était bon, le soleil brillait haut dans un ciel bien dégagé.
Barrold toujours assit en tailleur, humait le parfum des fleurs qui
l'entouraient. Ses joues rosirent légèrement lorsqu'il entendit le
bruit d'un plongeon.
L'eau
était froide mais cela ne rajoutait que plus de plaisir et de
soulagement au corps et aux pieds d'Yse, meurtris par les longues
heures de marche.
-
Barrold !; cria-t-elle.
-
Quoi ?!
-
Venez vous baigner, l'eau est géniale !
-
Hein ?! ; s'étrangla le pauvre libraire dont les joues
avaient viré au rouge pourpre ; mais je ne peux pas ! Tu
es… enfin je veux dire… ; bafouilla-t-il gêné.
Yse
se mit à rire si fort qu'on pouvait l'entendre de l'autre côté de
la forêt.
Un
peu plus tard, la lycéenne avait renfilé ses vêtements. Les
cheveux encore trempés elle vint s'asseoir aux côtés du jeune
homme. En la voyant arriver les joues de ce dernier de tardèrent pas
à rosirent de nouveau, surtout lorsqu'il repensa à ce qu'elle lui
avait dit un peu plus tôt. Quand elle s'assit Barrold tourna
instinctivement la tête pour cacher sa gêne.
-
Vous savez… je plaisantais tout à l'heure ; commença Yse qui
avait vu sa réaction ; alors s'il vous plait ne vous fâchez
pas.
-
Ah mais je ne suis pas fâché ; se dépêcha de répondre le
jeune homme ; il faut juste que… que j'aille marcher un peu.
Sur
ces mots, le libraire se leva d'un bond et alla marcher du côté de
la forêt d'où ils étaient arrivés. Yse l'attendit assise dans
l'herbe, l'air perplexe. Il revint une dizaine de minutes plus tard.
-
Bon ; commença-t-il ; je ne pense pas que ce soit prudent
de reprendre la route pour aujourd'hui. Si on s'arrête en pleine
forêt pour dormir nous serons une proie de choix pour nos amis les
bandits. Restons là pour cette nuit, en plus nous avons de l'eau
potable à volonté.
-
Mais il le soleil est encore haut ; fit remarquer Yse.
-
C'est vrai mais c'est un leurre. Dans une heure tout au plus la nuit sera
là et je ne crois pas que marcher à l'aveuglette soit une très
bonne idée.
Ils
décidèrent donc d'un commun d'accord de passer la nuit près du
cour d'eau. Barrold alla chercher de quoi faire du feu pendant que
Yse installait deux couvertures en peau de bête. Ils mangèrent la
même chose qu'au déjeuner dans le même silence.
-
Barrold…
-
Quoi ?
-
Je sais que c'est idiot comme question…
-
Alors pourquoi tu demandes ?
-
Parce-que je suis curieuse.
-
Alors vas-y, mais ne dit pas que c'est idiot ça donne pas envie de
répondre.
-
D'où viennent ces peaux que vous avez acheté ? Et la viande de
l'auberge ?
-
Des terres du centre, c'est là que sont venus les créatures qui
jadis peuplaient ces terres.
-
Et elles sont loin les terres du centre ?
-
Oui. De plus les gens qui vivent là-bas ne sont pas franchement
sympathiques, mais le plus important c'est qu'on ait de la viande et
des peaux.
-
Dites, un jour vous me raconterez un peu les histoires de ces terres
et les terres du centre ?
-
Tu rigoles ça me prendrait des siècles de tout te raconter…
-
Oh…
-
Pour le moment vas te coucher, on a encore du chemin à faire après
la forêt.
Yse
ne répondit rien et ne se le fit pas dire deux fois. Elle
s’emmitoufla dans sa couverture et plongea dans un sommeil profond
et sans rêve. Ce n'est que bien plus tard dans la nuit qu'elle fut
réveillée par un bruit de branche.
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