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samedi 26 janvier 2019

Le Monde de Graha, Yse chapitre 14


Le Monde de Graha


Volume 1



« J'ai besoin d'un objectif, pas d'une excuse. »

Auteur inconnu

Chapitre 14 : Gamine



- Et voici la salle de réunion des élèves, à gauche vous trouverez le couloir. Ne vous perdez pas jeune fille, je n'ai pas toute la journée.


Pantonas avait pris le groupe en charge. Il leur avait fait visiter une partie du palais, mais le gros de la visite s'était surtout effectuée dans le bâtiment principal de l'académie. Des milliers d'escaliers en bois et en pierres ornaient les salles que la petite troupe avait traversées, menant dans des lieux aux noms tous plus bizarres les uns que les autres. Nerra avait fini par fausser compagnie à ses amis pour rejoindre sa chambre, laissant Yse et Barrold seuls avec le directeur de l'école.


Pantonas n'était pas méchant, seulement très stricte et un peu rigide sur les bords. Yse avait l'impression de revoir son professeur de physique-chimie de cinquième, monsieur Gauthier-Labruge, avec sa queue de cheval bien peignée et son air austère. Mais Pantonas avait une aura de calme et un charisme presque écrasant alors que ce pauvre monsieur Gauthier avait bien du mal à asseoir son autorité dans sa classe. Le bas de la robe du directeur frottait largement sur les dalles asymétriques du sol. Les bottes du libraire elles, tapaient le sol de manière régulière et sans accroc telle une démarche de militaire. Yse ne parvenait pas à entendre ses propres pas, mais elle devait faire au moins autant de bruit qu'eux.


Pendant que leur guide présentait furtivement les pièces et les couloirs qu'ils traversaient, la jeune fille se faisait la réflexion que l'endroit était bien vide pour une académie. A part deux ou trois élèves, sans compter Nerra et un balayeur, le coin était tout simplement désert, d'où sa facilité à se concentrer sur d'éventuels bruits de pas.

- Ça va tu arrives à suivre ? , demanda Barrold en se tournant vers elle.

- Oui oui ne t'en fais pas, je me disais juste que l'endroit est bien vide.

- A ton avis, dans une académie en plein jour, où peuvent bien se trouver les étudiants ?

Yse prit quelques secondes pour réfléchir, puis elle sentit une pointe de honte lui monter le rouge aux joues.


- En cours bien sûr, je suis bête.

Le jeune homme pouffa discrètement avant de lui ébouriffer les cheveux.

- T'en fais pas, je sais que tu dois te sentir assez déboussolée.

- Je n'essaye plus de réfléchir à quoique ce soit pour le moment, j'attends de découvrir la suite.


Enfin, Pantonas s'arrêta devant une porte très chargée en décoration.

- Bien. , Pantonas se tourna vers Barrold. Vous devez vous souvenir de cette salle n'est-ce pas ?


La mine du garçon s'assombrit


- Oui monsieur.

Le directeur s'adressa alors à Yse.

- Voici la salle du conseil. C'est ici qu'ont lieu toutes les réunions et que sont prises les décisions officielles.

La jeune fille déglutit péniblement, l'air devenait soudain très pesant.

- Il y a des personnes à l'intérieur ?

- Oui.

L'homme se détourna de ses invités et poussa les deux battants de la porte. De l'autre côté, une grande pièce illuminées de plusieurs lustres discrets et en son centre trônait une gigantesque table en forme de mandorle accompagnées de dizaines de chaises sculptées dans du bois clair. Quelques personnes étaient attablées et visiblement en grande conversation. Le directeur émit un raclement de gorge qui eu pour effet de calmer toutes les jacasseries.


- Excusez-moi de vous interrompre, chers professeurs, mais je dois vous présenter quelques retardataires.

- Oh dieux…, s'éleva une voix féminine. Une seconde après, une femme d'un certain âge se levait de sa chaise, le regard figé et la mâchoire tombante. D'autres professeurs pâlirent, d'autres encore se regardèrent décontenancés.

La vieille dame qui avait parlé s'avança, les bras tendus.

- Barrold ! Vivant ! Ici !


Elle enlaça le jeune homme qui lui rendit son accolade avec affection.

- Professeure, il est plaisant de voir que vous ne m'avez pas oublié.


Elle lui sourit, les yeux embués de larmes. Pantonas soupira discrètement, signe qu'il fallait remettre à plus tard les retrouvailles.


- Comme je le disais, je dois vous présenter deux visiteurs. Certains d'entre vous connaissent déjà ce jeune homme, je vous fais donc confiance quant à sa prise en charge. Le directeur marqua un temps, remontant ses lunettes sur le nez. ; Professeur Kloph.


Yse, les bras croisés dans le dos, se délectait d'un flot d'idées inspirantes qui lui traversaient l'esprit. Comme elle aurait aimé avoir un calepin sur lequel griffonner les histoires fantastiques qu'elle imaginait, mais sa rêverie prit fin bien vite. Elle aperçut un être assez petit se lever d'une chaise à son tour et s'avancer vers eux. Sa tête lui disait étrangement quelque chose. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour réaliser que ce bonhomme avait des traits similaires à la fausse apparence de Barrold la première fois qu'elle l'avait vu. Involontairement, la jeune fille tourna la tête vers le libraire qui comprit ce qu'elle venait de penser, il détourna le regard, gêné.


- Professeur Kloph, reprit Pantonas, je vous présente Yse.

Il invita la jeune aventurière à s'avancer à ses côtés. Le dénommé Kloph l’examina d'un air à moitié blasé et Yse dû prendre sur elle de ne pas rire. Le vieux Barrold grincheux lui revenait en tête sans arrêt, mais Kloph lui ne semblait pas prêt à rire. Sans un mot, il passa de la jeune fille au directeur, du directeur à Yse. Il arqua finalement un sourcil, signe qu'il ne voyait pas bien où le doyen voulait en venir.


- A partir d'aujourd'hui, cette jeune personne sera sous votre responsabilité.


La tête du petit homme se décomposa sur place.


- Comment ?! Hors de question !

Sa voix grave et rocailleuse résonna tel un orage grondant dans le ciel.

- Je sais que ça ne vous plaît pas professeur, mais croyez-moi, je n'ai pas d'autre choix pour le moment.


Soudain, Pantonas se courba à la hauteur du professeur et lui murmura une chose que personne n'entendit. L'air méfiant du fameux Kloph ne laissait rien présager de bon, mais celui-ci ne dit rien de plus et se contenta d'aller se rasseoir en marmonnant dans sa longue barbe grisonnante.


- Bien, conclu finalement le directeur, je vais devoir vous laisser. Je compte sur vous, chers professeurs, pour veiller à la bonne intégration de nos deux invités intempestifs. Quant à vous, dit-il en se tournant vers les deux amis, j'attends de votre part un respect du règlement et une tenue irréprochable au sein de cet établissement le temps de votre séjour.

- Bien sûr monsieur, répondit Barrold d'un ton solennel qui ne lui seyait pas du tout.


Pantonas parut satisfait et partit sans se retourner, le bas de robe balayant la poussière du parterre. Un long silence suivit son départ, Yse sentait bien que bon nombre des professeurs présents dans la salle connaissaient Barrold et qu'ils ne le portaient clairement pas dans leurs cœurs. Quant à la personne dont elle était à charge, le fameux Kloph, il paraissait aussi chaleureux et enclin à la discussion que la banquise du pole Nord. La dame qui s'était presque jetée dans les bras du libraire quelques minutes plutôt revint vers lui.


- Serais-tu d'accord pour qu'on discute un peu ? Je pense que tu me dois quelques explications.


Le choc des retrouvailles lui était visiblement passé, sa voix était posée et son ton ferme mais dénué de colère. Barrold ne répondit rien mais baissa légèrement la tête en signe d'acquiescement. Elle amorça un mouvement en direction de la sortie et il la suivit sa broncher. Yse se retrouva seule dans une pièce trop grande qui pourtant lui donnait l'impression d'étouffer. Elle croisa les bras sur sa poitrine, ne sachant pas trop quoi faire. La jeune fille évitait autant que possible les regards curieux. Les conversations avaient repris avec plus de ferveurs qu'à leur arrivée mais sa présence ne passait clairement pas inaperçue et les minutes lui paraissaient interminable.

- Eh toi, gamine.

Elle réalisa que cette phrase lui était adressée.


- Heu… oui ?

- Suis-moi.


Le vieux Kloph bondit de sa chaise comme si de rien n'était. Yse et lui quittèrent à leur tour la pièce et la jeune fille pris une longue inspiration comme si l'air était de nouveau respirable. Elle suivit ce vieux grincheux qui descendait les escaliers qu'elle avait grimpés juste avant. Ils passèrent sous de grandes arches taillées dans la pierre qui ornait les murs de l'académie, avant d'arriver dans une petit cour fleurie.


- Assieds-toi là, dit-il en lui désignant un banc rustique en bois.


Yse obéit sans réfléchir. Le petit homme se planta debout devant elle et la détailla d'un œil sévère.


- Pourquoi c'est à moi qu'on a collé ça… , marmonna-t-il.


- « Ça », vous parlez de moi là ?

- A ton avis ?

- Je suis un être humain vous savez.

- Et alors ? Tu sais faire quoi à part jacter ?

Yse ouvrit pour répliquer mais elle n'en fit rien. Ici elle ne savait pas du tout ce qui pouvait être utile de savoir faire, mais elle doutait fortement que ses connaissances sur la révolution française lui serait d'un grand secours à cet instant. En signe de capitulation elle croisa les bras et les jambes en lâchant un soupir. Le vieux Kloph pointa grossièrement le doigt vers elle.


- C’est quoi ce soupir ? Tu crois c’est de cette manière que tu feras quelque chose dans la vie ? Je me fiche bien de savoir qui tu es et d’où tu viens, ce qui m’importe c’est de savoir de quoi tu es réellement capable. Si tu ne sais rien faire d’autre que d’abandonner à la première difficulté, vas-t-en.


- Alors c’est pour ça que vous m’avez fait venir ici ? Pour me rabaisser et me dire que je ne vaux rien ? Que voulez-vous que je fasse moi ici ? Je ne connais rien de ce monde, je ne sais rien faire de particulier, je ne connais aucun sortilège magique pour me battre ou même me défendre, alors dites-moi monsieur grincheux, qu’est-ce que vous attendez que je fasse ? Si vous voulez que je parte c’est hors de question !


Le sang de la jeune fille n’avait fait qu’un tour. Sa timidité avait fondu comme neige au soleil. Yse savait pertinemment qu’elle n’avait rien d’un héros ou d’une personne unique en son genre, elle s’était répétée ça toute sa vie en regardant les autres autour d’elle. Quand elle avait lu pour la première fois le livre Les contes de Bartahma , elle avait soudain compris qu’un jour elle aussi serait l’héroïne de sa propre histoire, dû-t-elle l’écrire dans un livre et ne faire que rêver de la vivre.


Kloph resta son index pointé sur elle, sans rien dire, ses yeux gris ridés et perçants la détaillant. Il eut léger grognement avant de baisser son bras.


- Bon, tu sais au moins ne pas te laisser marcher les pieds, c’est un début. Gamine dans la vie, ce qui fait de toi la personne de la situation ce n’est pas ce que tu es ou ce que tu as, c’est la volonté que tu mets dans tes actes.

- C’est un beau discours, mais avouez que c’est toujours plus pratique de se battre avec une épée quant on a la force de la tenir, ce qui est loin d’être mon cas.

- Tu penses que les personnes qui viennent dans cette académie savent tous se battre à l’épée ? Tu penses que tous ont des dons de naissance et n’ont qu’à claquer des doigts pour obtenir ce qu’ils veulent ?
- Je ne sais pas…, avoua-t-elle, mais cela doit tout de même faciliter certaines choses pour les personnes qui ont ces capacités.

- Si tu étais élève ici, tu apprendrais que le mérite que l’on retire à accomplir une chose lorsque l’on a que ses deux mains et son cerveau est bien plus grand que lorsqu’on use de magie ou de force surnaturelle.

- Vous avez sans doute raison, mais je ne suis pas élève ici et je ne sais pas plus pourquoi je suis là.

Les oiseaux gazouillaient sur les branches des arbres biscornus du petit jardin. Leurs plumes étaient plus colorées les unes que les autres et parfois des motifs se dévoilaient sous leurs ailes. Yse contemplait ce spectacle à la fois si simple et si particulier.


- Dis-moi, gamine.

- Quoi ?

- Entre l’eau, la terre, le feu et l’air, lequel choisirais-tu ?

- L’air.

Yse répondit sans hésitation. Kloph arqua un sourcil, manifestement intrigué par sa réponse.

- Tu es bien catégorique dis donc, pourquoi ?

- L’un de mes grands rêves quand j’étais petite, c’était de pouvoir voler comme un oiseau. Même si aujourd’hui je suis plus grande j’espère toujours pouvoir voler de mes propres ailes. Puis pour moi l’air, c’est la liberté, la force invisible, la volonté et le rêve.


Les yeux du vieillard se mirent à briller.


- Tu as une drôle de façon de voir ça gamine. D’habitude les gens préfèrent le feu qui est défini comme fort, ou l’eau car on ne peut pas l’attraper et c'est l'élément des mystiques, mais l’air… qui peut encore rêver comme tu le fais, de devenir comme l’air ?

- Ah bon ? Je ne connais pas grand monde ici, mais chez moi beaucoup de personnes aiment cet élément… mais pourquoi vous demandez ça ?

- Oh pour rien… pour rien.

Une fois de plus, Yse pressentait qu’on ne lui disait pas tout et sa frustration grandissait encore.

- Bon, c’est pas tout ça mais moi j’ai des choses à faire, dit le petit homme en faisant craquer ses genoux.


- Eh attendez ! Où je dois aller ?

- Ça gamine, ce n’est pas mon problème.

- Mais je suis sous votre garde !

- Et alors ? Tu vas me suivre comme un petit yorda tout mignon ?

- Un quoi ?

- Un yorda, une petite bête poilue et baveuse qui suit les gens à la trace.


Yse fit directement la comparaison avec la fameuse expression « suivre comme un chien » ou « suivre comme un toutou » et cela ne lui plu pas vraiment.


- Je ne suis pas un… « yorda », mais je suis une parfaite étrangère ici, mes deux amis m’ont faussé compagnie et vous êtes le seul ici présent capable de m’orienter.

- Bah voyons, je suis pas vendeur de cartes gamine, y a pas marqué « plan de l’académie », dit Kloph en tirant un trait imaginaire sur son front.

- Eh bien que vous le vouliez ou non je vais vous suivre jusqu’à ce que je retrouve mes amis, insista Yse qui sauta à pieds joints dans la provocation de son gardien provisoire.

Un sourire se dessina sur les lèvres du vieux professeur.
- Ah oui vraiment ?

- Oui !

- On va voir ça.


Le barbu se tourna et Yse lui emboîta le pas. Ils passèrent dans toutes les pièces ou presque du bâtiment, la jeune fille ne se laissa pas impressionner par les magnifiques gravures et divers ornements qui décoraient les murs, bien trop occupée à ne pas perdre de vue cet énervant mentor. Au bout d’un bon quart d’heure de marche, le vieux Kloph tourna dans une petite pièce à l’écart du reste des autres salles du couloir. La jeune fille entra sans réfléchir.


- Tu vas me suivre jusqu’aux toilettes ?, lança la voix du vieux grincheux avec une pointe d’amusement.

La réplique de Kloph fit écho à la scène qu’aperçut Yse, qui se rendit compte qu’il y avait dans cette fameuse pièce d’autres jeunes hommes en train de faire leur petite affaire. Si elle eut envie de mourir de honte à cet instant et qu’elle ne fut sans doute pas la seule, la jeune aventurière se détourna et parvint à sortir la tête haute et sans courir. A peine eut-elle refermé la porte qu’elle lâcha un cri muet et s’accroupit.


- Il a osé !, marmonna-t-elle, ce vieux saligaud a osé me faire ça, quand il sortira je vais…

Elle n’acheva pas sa phrase.

- Yse ? On peut savoir ce que tu fais dans cette position devant les toilettes pour hommes ?, demanda Barrold les poings sur les hanches et l’air visiblement curieux de savoir.


Cette dernière était partagée entre l’envie d’étriper son ami vivant de l’avoir laissé avec cet odieux personnage qu'était Kloph et l’envie de se jeter dans ses bras pour étouffer la honte qui n’était pas encore totalement partie. Ce fut finalement la deuxième option qui l’emporta sur ses réflexes.


- Barrold idiot !, dit la jeune fille en se jetant sur lui et en commençant à le taper sans conviction.

Le libraire ne comprit pas tout mais lorsqu’il leva la tête, vit le vieux professeur calé contre le mur à côté la porte et sut que la pauvre enfant avait dû passer un sacré moment. Cependant, le sourire qu’afficha le professeur avant de s’en aller le rassura, comme si Yse avait réussi un test. Quand il reporta son attention sur elle, cette dernière avait l’air s’être calmée et de sentir assez bien contre lui.


- Tu ne crois pas que tu en fais un peu trop là ? Il n’a quand pas été si méchant que ça, lança-t-il d’un ton désinvolte.

- A ton avis, où on est-ce qu’on est là ?


Barrold leva la tête et soudain tout devint clair. Il éclata d’un rire franc.


- Je ne pensais pas qu’il oserait mettre un jour sa menace à exécution !

- Comment ça quelle menace ? , demanda Yse en se détachant du jeune homme.

- Eh bien, quand j’étais encore étudiant ici, ce vieux Kloph n’arrêtait pas de dire qu’un jour, à force de voir traîner les filles du coté des toilettes pour hommes, il en ferait entrer une histoire de faire une punition exemplaire.


- Hein ? Mais ça n’a rien à voir !

- Je me doute bien, mais tu devais vraiment l’amuser pour qu’il te fasse cette blague.

- Je suis morte de honte tu sais.

- Tu t’en remettras va, il est capable de pire… bien pire.

- Surtout ne me dis rien.


La discussion s’acheva sur cette note. Les deux compagnons rejoignirent la salle à manger des élèves. Maintenant qu'elle y pensait, Yse ne savait plus vraiment l'heure qu'il était mais le petit déjeuner lui paraissait bien loin.


- Wow c’est immense ici !, s’exclama-t-elle qui voyait une salle aussi longue qu’une autoroute se dérouler sous ses yeux ; il y a combien d’élèves ici pour avoir besoin d’autant de kilomètres de table ?

- Trop pour qu’on puisse les compter, mais vient on ne va pas attendre de les voir.


Ils se présentèrent aux cuisiniers et Barrold se chargea de ramener deux assiettes pleines qui sentaient bon. Alors qu’ils prenaient ce repas un peu impromptu, Yse tenta une nouvelle fois de cuisiner le libraire


- Bon dis-moi, je suppose qu’on ne va pas rester ici pendant des jours sans rien faire, c’est quoi la suite du programme ?

- Pour le moment on ne peut pas faire grand-chose, les professeurs ont encore des cours a donner et l’école est trop animée pour… pour faire ce pour quoi on est là.


Décidément, prononcer le mot « Oracle » semblait punissable de mort. Mais bon, si ils ne pouvaient rien faire de plus pour l’instant, ils allaient bien trouver de quoi s’occuper.


- Quand tu auras fini de manger, je te montrerai ta chambre.

- J’ai une chambre ? Ici, à l'académie?


- Bien sûr, tu ne pensais quand même pas qu'ils allaient nous laisser sur le carreau?


- Non mais... je n'étais pas sûre et j'ai pensé qu’on finirait peut-être par dormir à l’auberge.


- On voit que ce n’est pas toi qui paye


Les joues d’Yse s’enflammèrent.


- Désolée… je me sens tellement idiote, je ne sais rien du tout ici.


- Tu t’habitueras… enfin si tu restes assez longtemps, mais de toute façon l’idée c’est de te ramener chez toi.


- C’est vrai. Dans un sens c’est déboussolant d’être ici, j’ai envie de m’adapter et d’apprendre les choses de ce monde, mais d’un autre côté il faudrait que je rentre le plus vite possible.


- On verra bien si c’est possible, conclut simplement le libraire en finissant son plat.


La journée passait lentement, les allées et venues des élèves se faisaient tantôt tel une marrée d’étudiants, tantôt par grappe de couleurs. Yse avait remarqué que les étudiants avaient des uniformes bien différents les uns des autres, que se soit la forme ou les couleurs, on pouvait difficilement qu’ils appartenaient tous à la même académie. Les deux amis suivirent des embranchements de couloirs à n’en plus finir, puis des escaliers, encore des escaliers, toujours plus d’escaliers. A croire qu’il serait sans doute pas mal de glisser l’idée d’un ascenseur au prochain architecte qui passerait dans le coin. Enfin, au bout d’une montée interminable, Yse et Barrold arrivèrent dans un endroit assez reculé du reste de l’école.


- Tu connais vraiment cet endroit sur le bout des doigts, fit remarquer Yse, moi je me serais perdue au bout du deuxième tournant.



- J’aimerais me souvenir davantage, dit le jeune homme d’un air un peu mélancolique, mais je crois que j’ai encore de bons restes.


Ils s’arrêtèrent devant une petite porte dont le bois était usé par le temps et couvert de poussière.


- Très… accueillant, dit la jeune fille pas sûre de vouloir connaître le contenu de la pièce.


- Méfies-toi toujours des apparences, lui répondit son ami à la fois taquin et sérieux.


Il tourna une vieille clef rouillée dans la serrure qui n’était pas dans un meilleur état. Un bruit sourd fit comprendre aux deux jeunes gens que s’était ouvert.


- Après toi, lança le libraire en montrant la porte de la main.


Doucement, Yse poussa le bois de la porte, la faisant craquer au passage, puis écarquilla les yeux, émerveillée. La salle était spacieuse et lumineuse, les tapisseries étaient ornées de motifs en formes d’arabesques, dessinant les courbes du vent ou les courants marins, la grande fenêtre qui donnait sur une vue enchanteresse lançait passer les rayons du soleil, faisant briller les fils dorées des dessins des tentures et de la literie. Étrangement l’endroit ne semblait pas poussiéreux, alors que dans le reste de l’école on soulevait des nuages de poussière aussi gros que des sacs de grains.


- Bon, je te laisse poser tes affaires. Je viendrai te chercher dans un petit moment alors ne t’endors pas, dit Barrold en tournant les talons.


Yse avait encore des tas de questions à lui poser, mais elle savait qu’elle n’oserait pas lui en poser la moitié et qu’il ne répondrait sans doute pas aux autres. A peine le libraire avait-il fermé la porte de sa chambre que Yse se sentit vidée de ses forces, comme si elle venait de vivre toute une vie en quelques heures. Elle s’affala lourdement sur le lit qui grinça de mécontentement. Plus elle réfléchissait moins les événements avaient de sens pour elle.


Elle-même ne savait plus vraiment ce qu’elle voulait. Ce monde regorgeait de tant de choses à découvrir et à apprendre, tant de nouveautés et de trucs à décrire et écrire dans ses histoires. Il y avait de quoi en remplir des tonnes de pages. Mais pour le moment, ses yeux avaient du mal à rester ouverts et quand Barrold revint la chercher un peu plus tard, Yse dormait à poings fermés.


Fin du chapitre 14


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