Naera
Volume
1
Chapitre
7 : Les Harcanes
Vous
connaissez ces moments dans votre vie où vous vous faites surprendre
par vos parents alors que vous étiez en train de faire une bêtise ?
Eh bien lorsque le capitaine était entré dans la pièce c'est
exactement la même impression que j'avais eu.
Lius
avait très vite reprit sa mine calme et sereine et fit mine de noter
quelque chose comme si je venais de répondre à sa question.
-
Ah capitaine ! ; fit Lius faussement heureux ; nous
avions presque fini le questionnaire.
-
Alors je tombe au bon moment. ; répondit simplement ce
dernier ; Quelque chose de particulier ?
A
cet instant, je me dis franchement que tout était fini. Pourquoi
pensai-je une chose si horrible, je ne sais pas vraiment, mais Lius
n'avait aucune raison de cacher au capitaine ce qu'il venait
découvrir. Résignée je m'enfonçai un peu plus dans le fauteuil
attendant que sonne le moment de mon arrestation.
-
Eh bien le moins que l'on puisse dire c'est que cette jeune femme
n'est pas ordinaire. Je ne peux pas dire qu'elle est une Shikaï car
elle n'a pas réussi tous les tests mais…
-
Elle en a quand même réussi n'est-ce pas ?
-
Eh bien… oui, en quelque sorte.
-
Et d'où vient-elle ?
« Je
suis là vous savez, vous pourriez aussi bien me poser la question
plutôt que d'agir comme si je n'étais pas là », pensai-je
vexée.
-
Si j'ai bien compris d'une des villes frontières de l'Ouest ;
mentit le vieillard ; près de Kourob.
J'en
restai bouche ouverte et yeux écarquillés, Lius venait de mentir
pour MOI ?
-
Ce qui explique pourquoi elle ne connaît pas la capitale. Mais il
reste beaucoup de point à éclaircir si vous pouviez…
Cette
fois j'en eu assez. Malgré ma surprise face à la réponse de Lius
sur ma ville d'origine, je ne pouvais plus tolérer que ce capitaine
de pacotille face comme si je n'existais pas. Je laissai éclater mon
exaspération.
-
Dites ! Si vous voulez en savoir plus sur moi vous pourriez me
poser directement la question ! Je sais parler vous savez alors
arrêtez de faire comme si je n'étais pas là !
Les
deux hommes me regardèrent de manière indéchiffrable. Puis le
capitaine reprit comme de rien n'était.
-
Donc comme je disais il reste beaucoup de points obscurs sur sa
présence ici et le lien qu'il pourrait y avoir avec la destruction
d'une partie du mur, vous avez dû en entendre parler…
-
Bien évidemment, tous ici sommes au courant en temps et en heures en
ce qui concerne la frontière et surtout le mur.
Cette
situation était à la fois exaspérante et humiliante. Je me levai
d'un bond et fit mine de partir. Étrangement ce ne fut pas Lius qui
parut le plus étonné de mon action mais cet abruti de capitaine. Au
moment où je passai à son niveau il m'attrapa le poignet et me
regarda dans les yeux ; un regard dur, froid et sans émotion.
-
Où vas-tu comme ça ? ; demanda-t-il d'un ton tranchant.
-
Alors comme ça vous remarquez enfin ma présence ? ;
dis-je d'un ton sarcastique ; c'est trop d'honneurs.
-
Attention à ce que tu dis ! Tu ne sais pas à qui tu
t'adresses.
-
Non je ne sais pas et je ne veux pas le savoir. Une personne telle
que vous ne mérite pas qu'on s'y intéresse.
Ma
réplique fit mouche. Je sentis sa main se resserrer un peu plus sur
mon poignet et je pris sur moi de ne pas hurler de douleur. Ses yeux
gris acier restèrent longtemps plantés dans les miens mais à aucun
moment je ne baissai les yeux et j'en fus fière. La peur et
l'incompréhension étaient passés, ce capitaine m'avait tellement
énervé par son attitude que j'en avais oublié ma situation quelque
peu… fragile ? Même pire que ça. Enfin il détourna le
regard et s'adressa au pauvre Lius :
-
Je l'emmène avec moi.
-
Ce ne serait pas très judicieux ; fit remarquer le vieux
magicien.
-
Pourquoi ça ?
-
Parce-que je dois encore l'interroger, sans compter que mes confrères
seront sans doute fort intéressés par son cas.
Le
capitaine sembla réfléchir à toute allure.
-
Bon ; souffla ce dernier ; je reviendrai lorsqu'on en saura
plus sur elle.
-
Je vous tiendrai informé ne vous inquiétez pas.
Le
militaire sembla satisfait de la réponse et sortit de la pièce sans
m'adresser un regard. Une fois seuls, Lius me regarda en fronçant
les sourcils :
-
Je comprend tout à fait que tu t'offusques de la manière dont il
agit, mais tu ne peux pas provoquer un haut gradé comme ça.
-
Désolé ; fis-je un peu penaude ; mais je n'en pouvais
plus d'être considéré comme un simple meuble de la pièce.
Le
magicien souffla et son visage reprit son air doux et serein.
-
Je voulais vous remercier d'avoir menti… sans vous je suppose que
j'aurai eu beaucoup d'ennuis.
-
C'est fort probable. ; acquiesça Lius ; mais il y a une
chose que je dois absolument savoir.
-
Quoi donc ?
-
Es-tu celle qui a brisé le mur ?
Ma
bouche devint subitement pâteuse et ma respiration se fit saccadée.
Que devais-je dire ? Ne pas dire ? Devais-je inventer une
histoire ? Me croirait-il ? Il m'avait sauvé face au
capitaine, je lui devais la vérité.
-
Eh bien j'avoue que je ne sais pas, quand je suis arrivée au début
j'étais sur le mur, puis il y a eu un insecte, j'ai voulu l'écraser
et quand j'ai tapé un petit morceau du mur s'est fissuré puis est
tombé. Ça m'a déséquilibré et je suis tombée à mon tour.
Lius
me regarda avec des yeux ronds puis soudain, explosa de rire.
-
Je jure que je dis la vérité ; dis-je avec précipitation.
-
Je veux bien te croire, mais c'est la première fois que j'entends
une histoire comme ça ; dit le vieillard en tentant de calmer
son fou rire. Casser le mur en écrasant un insecte…
Il
se remit à rire. Je ne comprenais pas. Au bout d'un petit moment
Lius réussi à reprendre son calme.
-
Alors… ; fis-je doucement.
-
Eh bien disons que tu n'es pas la personne que nous recherchons.
-
Mais j'ai quand même cassé une partie du mur! ; m'étonnai-je.
-
Viens ; fit Lius avec un demi sourire.
Il
m'emmena près d'une bassine de cuivre remplie d'eau.
-
Regarde. ; me murmura-t-il à l'oreille.
De
la pointe de son index il alla toucher la surface du liquide. L'eau
se brouilla et bientôt une image apparut. C'était comme si la
surface de l'eau était devenue une fenêtre qui donnait sur le
monde.
-
Dans le monde où tu te trouves actuellement, est bâtit un mur. Ce
mur délimite le territoire que nous pouvons habiter, personne ne
peut franchir cette muraille.
-
Mais pourtant…
-
Pourtant tu as passé le mur. ; termina Lius. ; c'est vrai.
Ceux que l'ont appellent les Shikaï sont des êtres à part. Ils
sont les seuls personnes à pouvoir franchir librement le mur et
aller d'un monde à l'autre. Si j'avais dit au capitaine que tu
n'étais pas d'ici, il en aurait conclu que tu étais celui que l'on
recherchait.
-
Je ne comprend pas tout ; dis-je un peu déconcertée ;
pourquoi aurait-il pensé que c'était moi ?
-
(Lius haussa les épaules), les circonstances sans doute. Les Shikaïs
ne représentent même pas un pourcent de la population. De plus pour
pouvoir passer ce mur il faut avoir ce qu'on appelle « des
dons », une espèce de magie innée en quelque sorte. Cependant
toutes les personnes qui ont les dons ne peuvent forcément passer le
mur, donc autant dire que le nombre de personne possédant les dons
et qui sont Shikaïs se comptent presque sur les doigts d'une main.
-
Je vois… donc je suppose que je faisais une coupable idéale.
-
Exactement, mais je ne l'aurai pas blâmé de t'accuser étant donné
les circonstances.
-
Mais si ce n'est pas moi ça veut dire que quelqu'un qui est un
Shikaï se balade actuellement par ici ?
-
On peut dire ça comme ça.
-
Hm… et vous pensez que ce peut être une personne dangereuse ?
-
Il faut que tu saches une chose très importante ; commença
Lius avec une mine grave ; le mur est en réalité beaucoup plus
qu'un simple tas de cailloux bien empilés. Ce mur est magique tu
dois t'en douter mais surtout il permet l'équilibre entre les
mondes. Si jamais le mur est détruit les Harcanes pourront passer
d'un monde à l'autre sans problème et on peut dire que nous serons
proche d'une apocalypse.
-
Et… qu'est-ce que les Harcanes ? ; demandai-je pas très
rassurée.
Rien
que le nom me donnait des frissons que je ne parvenais pas à
contrôler.
Lius
mit un moment avant de répondre, en prenant soin de bien choisir
chaque mot qui allait sortir de sa bouche.
-
Disons que… les Harcanes sont des démons… des spectres… des
cauchemars… bref disons que se ne sont pas des créatures que tu
voudrais croiser sur ton chemin. Pour le moment ces êtres se terrent
dans l'ombre des forêts, dans les grottes au sommet des montagnes,
bref dans des endroits que nous humains ne pouvons pas trouver. Mais
si le mur se brisent leur force seront décuplées, ils deviendront
maîtres de la dimension de l'esprit et du rêve et là on sera mal.
-
Donc le mur sert d'équilibre… entre l'ombre et la lumière ?
-
(Le vieux magicien sourit) C'est une belle image. C'est sans doute
plus compliqué que ça mais tu n'as pas tord. Tant que le mur existe
l'équilibre est maintenu, si il disparaît l'ombre prendra la
totalité du territoire. Mais tu veux savoir le plus étrange dans
tout ça, c'est que les Harcanes ne sont pas « des méchants ».
Ces créatures ne demandent rien et ne font de mal à personne, c'est
bien pour ça que nous les laissons là où ils sont, mais si le mur
se brise… c'est un peu comme si on réveillait la folie en eux.
-
Je vois… je suppose que vous autres magiciens d'ici vous connaissez
des formules en cas de problème.
-
Oui… et non.
-
Ah.
On
toqua a la porte.
-
Bon et bien je crois que le cours est terminé ; plaisanta Lius.
Je
me sentais frustrée. Je voulais en savoir d'avantage sur ces
créatures, sur ce monde et sur ce mur, cet immense mur sur ce lequel
j'avais tant aimé me poser. Un jeune homme plutôt maigrichon et à
la peau pâle entra dans la pièce. Il portait une robe similaire à
celle de Lius mais à sa taille. De grande lunettes rondes lui
dévoraient à moitié le visage et ses cheveux noirs ébènes
cachaient complètement son front.
-
Maî… maître ; bégaya le pauvre ; le conseil vous
demande.
Je
faillis éclater de rire à la mou du vieillard. Pour la première
fois depuis que je le voyais Lius réagissait comme un enfant à qui
on avait refusé un bonbon.
-
Bon. Ah Goran pourrais-tu faire visiter le centre à cette chère
enfant en attendant ?
-
B… bien sûr maître.
Sur
ces mots le vieux magicien quitta la pièce. Je me retrouvai seule
avec un garçon à l'air plus perdu que moi et pour une fois je ne me
sentis pas en danger.
Fin
du Chapitre 7
Suite
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