Le
Monde de Graha
Volume
1
« La
vie est capricieuse mais la guerre l'est encore plus. Elle prive les
plus méritants de leur plus cher trésor, gaspille les bienfaits de
la nature et répand partout la peur et le désespoir. Beaucoup
rêvent de ce monde appelé Réalité, mais est-il aussi beau que la
description que l'on en fait dans les livres ? Seule notre
imagination peut nous le dire. »
Extrait
de discours
Exeva
Nivius, Grand Sage
Chapitre
2 : A force de détermination
L'intérieur
de la boutique était aussi délabré et poussiéreux que
l'extérieur. Un silence impressionnant régnait dans l'ensemble de
la petite échoppe, il n'y avait même pas un bruit de souris. Yse se
sentait un peu déroutée mais elle ne recula pas pour autant, la
porte de se ferma lentement, ralentit par le vieux paillasson rouge
usé de l'entrée. Le planché de bois grinçait au moindre pas et la
jeune fille n'osait pas toucher quoique se soit de peur de se voir
recouverte de poussière. Les fenêtres étaient complètement
fermées et aucune lampe n'était allumée. Yse avançait à tâtons
lorsqu'elle aperçut tout au fond de la salle un petit coin illuminé
par la seule fenêtre ouverte. Là se trouvait deux vieux bureaux se
faisant face et deux chaises les accompagnants. Dessus, deux lampes
jumelles en forme de tulipe rose pâle. L'endroit avait beau être
exigu Yse se sentit tout de suite à l'aise. Elle parcourait des yeux
les nombreuses étagères qui ornaient les murs fatigués et vieillis
de cette pauvre librairie. Elles semblaient d'un autre temps et
paressaient avoir vécu toutes les histoires des livres qu'elles
contenaient. Soudain la jeune fille arrêta son regard sur une étagère
qui formait un coin de la salle et s'approcha. Au milieu des livres
jaunis et délités de l'étagère se tenait fièrement un grand
livre à la tranche recouverte d'un velours cramoisi. Yse était
comme hypnotisée, attirée. Elle leva le bras pour l'attraper mais
la jeune fille était trop petite pour l'atteindre. Elle se mit alors
sur la pointe des pieds, tendit son bras au maximum et parvint à
effleurer la tranche du bout des doigts lorsque une voix s'éleva
dans le silence :
« Eh
vous ! Qu'est-ce vous faites petite voleuse ?! »
Yse
fut tellement surprise qu'elle tomba à la renverse et se retrouva
les fesses par terre. Elle regarda autour d'elle cherchant la
personne qui venait de parler, mais la salle était trop sombre pour
voir quoique ce soit. Ce n'est que lorsque l'inconnu parla à nouveau
qu' Yse put savoir où chercher.
« -
Qui êtes-vous et que faites vous là ?
-
Je… je suis désolée je ne savais pas que vous étiez là, répondit
Yse d'une voix un peu tremblante, j'ai pourtant demandé s'il y avait
quelqu'un mais personne ne m'a répondu et je…
-
Ce n'est pas ce que j'ai demandé mademoiselle !
-
Je m'appelle Yse Lorrait, je suis venue demander un travail de
saisonnier.
Le
cœur battant étrangement vite, Yse essayait de reprendre
contenance. Elle commença par se lever et se tapoter les fesses,
puis elle attendit que son interlocuteur daigne avancer à la
lumière. D'après la voix, la personne en question devait être un
homme d'un âge avancé mais la jeune fille ne voulait pas tirer de
conclusion hâtive. Soudain une silhouette émergea de l'obscurité.
Lorsqu'elle vit enfin celui à qui elle s'adressait, Yse se mordit la
lèvre pour ne pas rire. L'inconnu en question était un vieil homme
de très petite taille et à la pilosité faciale démesurée. Sa
barbe menaçait de toucher le planché et ses cheveux n'avait pas dû
voir une paire de ciseaux ni une brosse depuis des années. Il était
de forte corpulence mais cela le rendait plus charismatique que
risible. Ce qui faisait rire Yse n'était pas l'apparence de cet
homme mais plutôt sa tenue. Il portait un haut tellement bariolé
qu'il ressemblait à un clown et avait des rubans de toutes les
couleurs dans les cheveux. Ses chaussures étaient de toute évidence
trop grandes et leurs pointes dépassaient de dessous la barbe. Mais
même si son apparence était assez comique l'expression de visage,
elle, n'avait rien de drôle. Yse perdit bien vite l'envie de rire et
reprit son sérieux et sa détermination.
-
Il n'y a rien avoir ici mademoiselle vous feriez mieux de partir,
lança le vieil homme d'une voix froide et d'un regard de glace.
-
Monsieur, je veux travailler ici, répondit Yse d'un ton ferme.
-
Il n'y a pas de travail ici, la boutique n'emploie personne.
Maintenant dehors.
-
Vous avez des livres magnifiques et ils prennent la poussière, fit
remarquer la jeune fille, je pourrais au moins les nettoyer une fois
par jour.
-
Je n'ai pas besoin d'une gamine dans mes pattes allez ouste !
Gronda le vieillard.
-
Mais monsieur ...!, tenta Yse.
-
Pas de mais ! Dehors ! »
Le
vieux libraire poussa la jeune fille à l'extérieur et claqua la
porte d'un geste violent. La minute suivante les rideaux étaient
baissés et la porte fermée à double-tours. Déçue et en colère,
Yse marmonnait dans son coin. D'un mouvement agacé elle fourra ses
mains dans les poches de son jean et traîna les pieds. Elle s'assit
quelques minutes sur le rebord de la fontaine espérant qu'un miracle
se produise, mais rien ne se passa et la jeune fille finit par
rentrer chez elle, résignée.
Yse
passa le dimanche à potasser. Elle voulait vraiment travailler dans
cette librairie, bien plus que dans n'importe quelle autre. Quelque
chose l'attirait, mais elle ne savait pas quoi. Ce dimanche là il
plut. Le lundi également mais Yse ne prêta aucune attention au temps, elle était déterminée à trouver un nouveau plan
d'attaque. A la pause déjeuner elle n'écoute même pas son amie
Lucie qui finit par le remarquer.
« -
Yse ? Yse tu es là ?
-
Hm ?
-
Qu'est-ce qu'il t'arrive ma belle ? Tu es encore plus ailleurs
qu'avant, s'inquiète Lucie .
-
Oh non ne t'en fais pas c'est juste que… que je n'ai pas encore de
réponse pour mon travail, rassure la jeune fille.
-
Tu vas travailler ? Demande Félix qui vient s'asseoir aux côtés
de Lucie, son plateau dans les mains.
-
Oui elle veut travailler dans une librairie ! S'empresse de
répondre son amie avec un sourire.
Félix
émet un sifflement un peu exagéré qui ne manque pas de faire
sourire.
-
Eh beh ma vieille y a du boulot alors, vu que tu passes plus de temps
à lire les livres qu'à les vendre, répond le jeune homme avec un
clin d’œil. » Yse finit par éclater de rire, elle sait que
son ami a bien raison.
Le
repas se passe ensuite dans une joyeuse ambiance. Dehors il pleut à
averse.
Durant
le cours de physique, Yse se remémore l'apparence assez étrange du
vieux libraire. Elle se met à le dessiner sur sa feuille de cours et
dix minutes plus tard voilà le dessin terminé, la jeune fille
écarquille les yeux. Le dessin est d'une netteté et d'une précision
incroyable, depuis quand est-elle si douée en dessin ? Un léger
sourire apparaît sur ses lèvres, « Voilà un signe du destin
des plus intéressant .», pense-t-elle. Trois heures plus tard
voilà que les cours se terminent et dehors c'est toujours le déluge.
Yse grimace, elle avait refusé de prendre le parapluie que lui
tendait sa mère le matin même et maintenant elle s'en mord les
doigts. Elle attend impuissante que le temps s'améliore, en vain. Le
lycée se vide petit à petit et bientôt la voilà seule sous le
préau de l'entrée. La pluie se fait soudain plus légère, plus
fine. Étonnée d'une accalmie si soudaine Yse se met timidement en
route vers le portail. Elle voit alors une silhouette noir et
immobile qui attend adossé à l'une des grilles. Pendant une
fraction de seconde il lui semble percevoir une jeune femme. Puis,
tel un dessin effacé par la pluie, l'illusion s'envole laissant
place à une silhouette plus familière.
« Je
voulais vous voir, mademoiselle Lorrait. »
Fin
du chapitre 2.
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